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ARCHIVES ECOUTER 2012

CARMEN de Bizet

carmen bizet

Voici un nouvel enregistrement de Carmen avec plusieurs réussites exceptionnelles et deux déceptions. Cadeau réciproque de Simon Rattle et de la Philharmonie de Berlin pour leurs dix ans de collaboration, c'est surtout un cadeau pour les auditeurs. Même si on n'attendait pas forcément Rattle dans ce répertoire, il livre une version éblouissante de Carmen, aidé évidemment en cela par la "Rolls" qu'il dirige. Dès les premières notes, on est emporté par un torrent de feu et de drame. Jamais la tension ne se relâche, rarement le son de Bizet a autant été mis en valeur. Tout vit, ondule de pulsations telluriques; tout est mis en évidence, tout est mis en relief.

Les passages d'un acte à l'autre sonnent comme jamais. Un vrai bonheur, quasi symphonique. Mais la voix n'est pas oubliée, avec un Jonas Kaufmann au sommet de son art. Malgré ses incursions wagnériennes, le son est toujours aussi lumineux, aussi éclatant, avec au final un des plus beaux Don José jamais entendus. En plus de la voix, il y a la caractérisation du personnage, qui passe du fils aimant, prêt à épouser la jeune fille qui lui est promise, à la créature envoûtée, consumée, subjuguée au sens littéral par Carmen, au point de se détruire et de la détruire. Face à lui deux femmes, deux facettes de son parcours amoureux et passionnel. Genia Kühmeier incarne magnifiquemenl la pure et angélique Micaëla, avec une voix lumineuse, cristalline, promesse de lendemains heureux. Avec un tel chef, un tel orchestre et de tels chanteurs, il fallait une Carmen ébouriffante, incandescente, éclatante de sensualité, une bohémienne explosive, capable de mettre Don José sous le joug. Et, vous l'aurez compris, il n'en est rien. Certes Magdalena Kozena, Madame Rattle à la ville, est une grande mezzo, qui a réussi de belles interprétations mais elle n'a pas vraiment la voix de Carmen et, surtout, pas le tempérament. Pas un instant. Son incarnation ressemble à celle d'une aristocrate qui se forcerait à jouer une bohémienne, avec une sensualité qui ne risque pas d'affoler les compteurs Geiger. Trop de distance, trop de froideur. Après cela, la déception de l'Escamillo de Kostas Smoriginas paraît presque bénigne, même si une telle faiblesse fausse les rapports entre les protagonistes. Dommage, car avec une Carmen de chair et un vrai toréador, cela aurait été l'apothéose parfaite, presqu'un disque d'anthologie de la veine de l'enregistrement Abbado.

 

Simon Rattle, Philharmonie de Berlin, Magdalena Kozena (Carmen), Genia Kühmeier (Micaëla),
Jonas Kaufmann (Don José), Kosts Smoriginas (Escamillo), 2012, EMI (2CD)


sir simon rattle

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