1. Fidelio. Créé au Kärntnertortheater de Vienne le 23 mai 1814. Ludwig van Beethoven (1770-1827). Parce que cet hymne électrisant et jubilatoire, pur produit de la philosophie des Lumières, irrigue la musique de Beethoven, faisant de Fidelio beaucoup plus qu’un simple opéra : une profession de foi en l’humanité. Ferenc Fricsay, Bayerisches Staatsorchester, Leonie Rysanek, Ernst Haefliger, Dietrich Fischer-Dieskau, Irmgard Seefried, Gottlob Frick, 1957, DG.
2. Les Noces de Figaro. Créé au Burgtheater de Vienne le 1e mai 1786. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Parce que c’est la perfection absolue de l’opéra conçu comme du théâtre où texte et musique, action et psychologie, chant et orchestre forment trois heures durant une chaîne ininterrompue, sans temps mort ni maillon faible. Riccardo Muti, Orchestre Philharmonique de Vienne, Thomas Allen, Kathleen Battle, Jorma Hynninen, Margaret Price, Ann Murray, 1986, EMI.
3. Le Chevalier à la rose. Créé au Hofoper de Dresde le 26 janvier 1911. Richard Strauss (1864-1949). Parce que l’on y succombe dès les premières mesures à l’ivresse d’une musique foisonnante, qui réussit le tour de force de ne pas étouffer sous la luxuriance orchestrale un des plus beaux livrets de l’histoire du genre, quintessence de l’ambivalence viennoise entre ironie et nostalgie. Herbert von Karajan, Orchestre Philharmonia, Elisabeth Schwarzkopf, Christa Ludwig, Teresa Stich-Randall, Otto Edelmann, 1956, EMI.
4. L’Anneau du Nibelung. Créé au Festspielhaus de Bayreuth du 13 au 17 août 1876. Richard Wagner (1813-1883). Parce que cette tétralogie qui en réalité n’est qu’un grand opéra de 15 heures, est, avec A la Recherche du temps perdu du grand wagnérien qu’était Proust, le plus fascinant récit jamais écrit, entre fresque et mosaïque, un condensé de l’histoire de l’humanité. Georg Solti, Orchestre Philharmonique de Vienne, Hans Hotter, Birgit Nilsson, Wolfgang Windgassen, Régine Crespin, James King, 1958 à 1964, Decca.
5. Parsifal. Créé au Festspielhaus de Bayreuth le 26 juillet 1882. Richard Wagner (1813-1883). Parce que, dans son œuvre ultime, Wagner se fait plus que jamais à la fois musicien, poète et penseur, nous plongeant dans une atmosphère lancinante et presque hypnotisante où cohabitent et se combattent les pulsions et aspirations fondamentales de l’homme. Hans Knappertsbusch, Orchestre du Festival de Bayreuth, Wolfgang Windgassen, Martha Mödl, Ludwig Weber, George London, 1951, Naxos.
6. Tristan et Isolde. Créé au Hoftheater de Munich le 10 juin 1865. Richard Wagner (1813-1883). Parce que Wagner nous emmène dans des régions où l’on se demande si c’est encore de la musique, à ce degré de fusion de tous les éléments, parvenant à abolir nos repères dans l’espace et le temps : attention, cela peut devenir une drogue ! Carlos Kleiber, Staatskapelle de Dresde, René Kollo, Margaret Price, Kurt Moll, Brigitte Fassbaender, Dietrich Fischer-Dieskau, 1982
7. Elektra. Créé le 25 janvier 1909 au Hofoper de Dresde. Richard Strauss (1864-1949). Parce que, au confluent de la mythologie grecque et de la psychanalyse viennoise, Strauss et Hofmannsthal ont produit là un concentré de violence qui vous laisse littéralement K.O., lessivé, et c’est irrésistible. Dimitri Mitropoulos, Orchestre Philharmonique de Vienne, Inge Borkh, Jean Madeira, Lisa Della Casa, 1957, Orfeo.
8. La Flûte enchantée. Créé au Theater auf der Wieden de Vienne le 30 septembre 1791. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Parce que ce premier grand chef-d’œuvre de l’opéra en allemand, grand militantisme d’un Mozart obligé de composer pour la cour impériale sur des livrets en italien, est la synthèe idéale entre savant et populaire, profondeur et légèreté, un émerveillement. Georg Solti, Orchestre Philharmonique de Vienne, Stuart Burrows, Pilar Lorengar, Hermann Prey, Cristina Deutekom, Martti Talvela, 1969, Decca.
9. Don Carlos. Créé à l’Opéra de Paris le 11 mars 1867. Giuseppe Verdi (1813-1901). Parce qu’il fallait bien un peu d’italien dans cette sélection essentiellement austro-allemande, même si la source du livret est une pièce de Schiller, parce que Verdi est ici au sommet de son génie musico-dramatique, parvenant à entremêler dimension politique et intrigue privée sans que l’un puisse aller sans l’autre. Georg Solti, Orchestre du Covent Garden, Carlo Bergonzi, Renata Tebaldi, Nicolai Ghiaurov, Grace Bumbry, Dietrich Fischer-Dieskau, 1965, Decca.
10. Pelléas et Mélisande. Créé le 30 avril 1902 à l’Opéra-Comique. Claude Debussy (1862-1918). Parce que Debussy a inventé là une autre façon de penser le rapport texte-musique et l’équilibre chant-parole, parce que ses sortilèges orchestraux envoûtants sont aussi vénéneux que le poison wagnérien, au service de personnages dont les ambiguïtés finissent par vous hanter. Herbert von Karajan, Orchestre Philharmonique de Berlin, Richard Stilwell, Frederica von Stade, José van Dam, Nadine Denize, Ruggero Raimondi, 1978, EMI.